Manifeste pour un syndic plus écologique [et humain]

 

Siroter son mojito par 25 degrés en terrasse fin octobre deviendra-t-il la norme? La chaleur historique de ce début d’automne interpelle. Les folies du thermomètre ont temporairement fait s’évaporer les préoccupations aux échos de crise énergétique, difficulté à se chauffer et coupures d’électricité. Le mal couve, le monde change. Notre responsabilité en tant que professionnel est de nous interroger aujourd’hui sur l’impact de nos métiers pour construire un demain qui soit vivable et désirable.

 

Si la contrainte législative pèse et se renforce graduellement sur les promoteurs immobiliers qui se doivent de construire des immeubles sobres et performants écologiquement, la profession de syndic semble loin d’avoir amorcé le même virage vertueux pour la planète. Pourtant c’est bien le syndic qui intervient, administre et fait vivre les bâtiments une fois les édifices neufs livrés, c’est l’acteur en première ligne pour les décennies à suivre. Le tournant écologique de la profession de syndic est donc une nécessité.  

 

La thématique écologique en habitat collectif est aujourd’hui accaparée par la question de la rénovation énergétique des bâtiments. Accaparement légitime et consensuel tant l’enjeu est important en terme de réduction de gaz à effet de serre. Dans la continuité de la convention citoyenne pour le climat, l’Etat a promulgué la loi Climat et Résilience. Cette dernière dessine de nouvelles règles imbriquant l’échelon individuel et collectif, pour les copropriétés un audit énergétique, l’obligation de se doter d’un fond travaux et d’un plan pluriannuel pour ces derniers, pour les copropriétaires l’interdiction progressive de louer des logements qualifiés de passoires thermiques.

 

Comme toute contrainte législative, le temps de mise en place et les effets attendus prendront des années. Dans un temps qui semblent cependant s'accélérer, les différentes crises énergétiques et économiques à venir laissent entrevoir des difficultés en cascade

  • les locataires aux revenus plus modestes vont subir (subissent) de plein fouet l’inflation et les arbitrages individuels qu’ils impliquent ;
  • les difficultés ou défauts de paiement de loyer ont commencé et ne vont que s'accroître ;
  • les copropriétaires bailleurs seront placés dans une situation compliquée ;
  • les “copropriétés fragiles” seront plus nombreuses (elles ne cessent d’augmenter depuis 2015)
  • les rénovations et travaux deviendront difficiles à financer.

 

Partie prenante essentielle, la tâche s’annonce donc complexe pour les syndics devant l’impérieuse obligation de rénovation énergétique des bâtiments. Ils devront articuler à la fois une vision des besoins, une connaissance technique sur l’éventail des propositions, une maîtrise des aides au financement mais surtout une capacité à sensibiliser, expliquer cet ensemble d’informations, générer une appropriation et une dynamique collective chez les copropriétaires. En un mot de l’humain.

 

Cette posture est loin d’être évidente pour des syndics éprouvés par de récurrentes critiques, devant déjà gérer une quantité colossale de travail pour une rémunération souvent faible, et subissant la pression de nouveaux acteurs agressifs promettant monts et merveilles. Comment alors confier sereinement un des plus gros enjeux de transition écologique de notre temps à une profession déjà sous tension et dont la conscience écologique est souvent inexistante et au mieux naissante chez certains ? Par où commence-t-on pour changer l’approche des syndics de copropriété ?

 

Se regarder dans le miroir. Une certaine cohérence globale voudrait d’emblée que les pratiques d’entreprise des syndics professionnels évoluent et soient à la hauteur des enjeux de la transition écologique : 

  • choisir des partenaires financiers qui ne financent pas des industries carbonées ;
  • favoriser les mobilités douces, l’autopartage et les transports en commun pour ses déplacements ;
  • avoir une politique d’achats responsables, locaux, écologiques et qui favorisent le ré-emploi quand cela est possible ;
  • mettre en place les préceptes du numérique responsable et l’hébergement des données à minima en Europe ;

 

Sensibiliser les copropriétaires. Pour ce qui est du travail au sein des copropriétés et des prestataires qui y interviennent, prenons enfin au sérieux le devoir de conseil des syndics de copropriété professionnels. Ce devoir de conseil a un impact. Un choix éclairé des copropriétaires ne peut plus uniquement reposer sur la proposition la mieux disante financièrement, il doit impérativement être soumis à une variété de critères : 

  • est-ce une entreprise locale ? française ? 
  • comment cette entreprise minimisent ses impacts environnementaux ?
  • quelles connaissances a-t-on des produits et fournisseurs avec lesquels elle travaille ?
  • quelle politique des Ressources Humaines pratique l’entreprise (égalité salariale femme-homme, insertion, etc) ?
  • est-elle engagée dans une démarche RSE ?

Bien sûr la vertue écologique et sociale ne garantit pas un service de qualité mais à devis égal ou différence de prix minime, cette sensibilisation et ces critères permettront aux copropriétaires de choisir en toute conscience et aux entreprises d’adapter à terme leurs pratiques. 

 

Tous les acteurs sont à interroger ! Les partenaires bancaires en premier lieu tant il est connu désormais de tous l’impact que peut avoir ce choix. Les comptes courants et l’épargne des copropriétés se doivent d’être au service de la transition. Et de la même manière tournons-nous vers des assureurs proposant de nouveaux modèles et de nouveaux engagements plus responsables. 

 

Créer du commun. Enfin, l’écologie c’est aussi le vivre-ensemble et pour quelques siècles à venir encore, copropriétaires et locataires habiteront sur la même planète. Alors osons parler d’habitants et donnons une place au locataire pour recréer du commun au sein des copropriétés. Plusieurs voies sont à explorer : 

  • Favoriser et organiser la mutualisation de biens et de services au sein des copropriétés ;
  • Proposer systématiquement des solutions pour diminuer les déchets (tri, compost, récupération, don, etc) ;
  • Suggérer une réappropriation des espaces verts (compost, potager, loisirs, etc);
  • Créer ou rénover les espaces vélos ;
  • Faciliter la communication entre habitants ;
  • Accompagner quand cela est possible ou souhaitable la création d’associations d’habitants qui se verront confier la gestion d’une ou plusieurs parties communes pour à la fois redonner du pouvoir d’agir aux habitants et générer un fond économique supplémentaire pour la copropriété. 

Les copropriétaires ont beaucoup à gagner dans le ré-engagement des locataires sur leur lieu de vie. D’une part en valorisant leur patrimoine au sein d’une copropriété où il fait bon vivre, mais aussi en diminuant les dégradations des espaces communs d’un locataire qui en deviendra acteur, et enfin en limitant le turnover des locataires qui auront envie de rester là où ils se sentent partie prenante.

 

Les hasards du calendrier font que la COP27 et le “Salon de la Copropriété, de l’Habitat Durable et Connecté” se tiennent au même moment, d’un côté les dirigeants du monde tentent de se mettre d’accord, de l’autre des professionnels du syndic qui effleurent la question. L’habitat durable sera-t-il connecté ? Rien n’est moins sûr…

 

Un autre syndic est possible et définitivement souhaitable pour le quotidien des plus de 22 millions de personnes vivant en copropriété. Un syndic conscient des enjeux de transition écologique, qui se les approprie, inspire et insuffle. Que fleurissent maintenant les initiatives !

 

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